Fusillades de Toulouse : petit billet malpensant sur la valeur de la mort !
Trois fusillades préparées, trois massacres réussis de sang froid, en pleine rue, en France. Oui, c'est choquant. suffisamment pour que le Los Angeles Times fasse un long article sur le sujet. Mais n'en fait-on pas trop ? Le CSA qui cesse de comptabiliser le temps d'antenne des candidats à ce sujet, les politiques qui annulent les rendez-vous pour aller à un office religieux à la mémoire d'une partie des défunts. À qui profite la peur & le discours sécuritaire ? L'arrêt de la campagne est une campagne déguisée ! La laïcité n'a soudain plus d'intérêt. Certes huit innocents tués par un fou dangereux, peut-être néo-nazi selon les bruissements proches de l'enquête, ça fait froid dans le dos. Mais de là à instaurer une minute de silence dans tous les établissements scolaires, il y a un pas qui transforme l'émotion en instrumentalisation scandaleuse.
En effet, combien de tués par l'explosion de l'usine AZF ? Combien de tués par Total dans ses liens avec la junte birmane ? Combien de tués chez Orange ? Combien de morts innocentes sur les routes à cause de sombres alcooliques ? Combien de morts victimes du libéralisme ? Combien de SDF tués par défaut de solidarité nationale ? Et combien de minutes de silence au total ? Aucune ! Ce n'est pas la même chose répond le bien pensant. Ah bon ? Il y a des morts plus valeureux que d'autres ? La victime d'un alcoolique mérite moins d'émotion que celle d'un fou ?
Dans quelle société vivons-nous pour juger de la valeur de la mort ? Il y avait les guerres & les décorations stériles, pour oublier la boucherie, pour récompenser ceux qui avaient eu le courage de ne pas mourir. Il y a maintenant la hiérarchie de la mort civile. Un mort tué sous les balles d'un fou vaut plus que celle d'un enfant étranglé, qui vaut plus que la victime d'un chauffard bourré, qui vaut plus qu'un suicide dans une entreprise, qui vaut plus qu'un SDF mort, qui vaut plus qu'une victime d'un chasseur... & ainsi de suite !
Le hasard de la mort la rend glorieuse ou misérable, médiatique ou anonyme. Quand on voit l'ensemble de la classe politique venir s'agenouiller pour cesser de faire de la politique pendant le temps du deuil, je pense à Guillon & son humour noir, qui explique la théorie de l'importance de la mort inversement proportionnelle à la distance. La perte de repères est telle que l'émotion populaire envers les morts du hasard vient remplacer la solidarité & la fraternité pour la construction d'une société pacifique.