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Domota Fillon durant l'émission politique : Comment France 2 crée une inégalité insupportable !

Publié le par thalasrum

Dans son émission consacrée aux candidats potentiels à la présidentielle, France 2 organise une émission où les hommes politiques sont interrogés par différentes personnalités ou anonymes. L'émission politique de David Pujadas, c'est Des paroles et des actes remanié, mais avec toujours les mêmes travers.

L'opposition hier soir entre Élie Domota et François Fillon est un modèle du genre. François Fillon est l'invité principal de l'émission et tout ronronne tranquillement entre personnalités qui se veulent du même monde. Les journalistes et l'invité principal ont le même langage, les mêmes codes (vestimentaire, langagier, culturel). Mais pour faire face aux critiques très nombreuses de n'être pas représentatif, France 2 s'oblige à inviter des gens du peuple de "couleur" (le boulanger noir de l'Élysée l'année dernière, la militante CGTG martiniquaise pour Le Maire et Élie Domota, militant UGTG hier soir).

Petit rappel historique. Élie Domota, secrétaire général de l'UGTG (Union Générale des Travailleurs Guadeloupéen, syndicat indépendantiste), a fédéré le mouvement de grève générale en Guadeloupe en 2009 de 45 jours qui a permis de faire plier le gouvernement de François Fillon en rase campagne, permettant entre autres un gain de 200€ par mois pour les plus bas salaires. Élie Domota, porte parole officiel du mouvement a montré sa force, sa stratégie, son entêtement. Il a été le seul à obtenir une victoire syndicale contre le ticket Fillon-Sarkozy. 

Que se passe-t-il durant l'émission qui tourne au clash ? Regardons attentivement la séquence. Tout d'abord une présentation de 35 secondes des propos tenus par François Fillon à Sablé sur Sarthe ou Fillon parle de "partage de culture" pour justifier la colonisation. Le journaliste donne alors la parole à Élie Domota, qui n'est pas en plateau, puisqu'il est en Guadeloupe.

Au bout de 18 secondes (deux fois moins que l'introduction), alors que Domota n'a clairement pas fini de s'exprimer, le journaliste lui coupe la parole, le réalisateur revient en plateau pour demander à François Fillon de réagir aux propos - tronqués - de Domota. Pendant 25 secondes suivantes, Domota cherche à terminer son propos, alors que le réalisateur montre les regards souriants, plein de condescendance du journaliste et de Fillon.

Domota bénéficie une nouvelle fois de 18 secondes supplémentaires, avant d'être une nouvelle fois interrompu dans son propos, "pour que François Fillon réponde" dit le journaliste alors que l'interlocuteur n'a clairement pas terminé son propos. Ce dernier insiste pour terminer, mais François Fillon en plateau dénigre et renverse la charge de l'agression "Monsieur Domota laisse rarement s'exprimer ses interlocuteurs".

Dans les trente secondes qui suivent, le micro de Domota est laissé ouvert faiblement, tandis que François Fillon rejette en bloc le questionnement de Domota sans jamais répondre sur le fond des propos, bien évidemment. Mais comme le leader syndical a bien conscience de se faire flouer par le jeu médiatique (on lui avait clairement promis qu'il pourrait développer une argumentation ce qui n'a pas été le cas... deux fois 18 secondes avec une interruption), il continue de chercher à terminer son propos. Ce qui permet à François Fillon, dans une posture grotesque de rappeler que c'était la manière de négocier de Domota en 2009.

Non seulement le journaliste ne revient pas sur ce qui s'est passé en 2009 pour expliquer au public la réalité des faits. Dans l'émission, on pourrait croire que Fillon a déjà remis le petit syndicaliste à sa place en 2009, alors que c'est l'exact inverse qui s'est produit ! Mais le journaliste se tait, donnant pour fondés les propos de François Fillon. Finalement après 2'15" d'opposition, Domota est obligé de s'arrêter.

Fondamentalement, pouvait-on attendre autre chose d'une émission de David Pujadas au vu de son antisyndicalisme primaire récurrent ? Dans l'émission Des paroles et des actes, il avait coupé le micro à un syndicaliste en plateau qui posait des questions un peu trop gênantes à l'invité. Toujours dans la même émission, avec Jean-Luc Mélenchon, le même Pujadas avait trouvé le moyen de multiplier les images violentes alors qu'il tentait de faire dire à l'homme politique que la CGT était violente. Connaissant ce passé, le syndicaliste guadeloupéen s'est retrouvé piégé dans un système médiatique qui l'a broyé.

Reprenons l'organisation : Fillon est en plateau à Paris, en costume cravate, il fait nuit. Domota est en extérieur à Pointe à Pitre, en tee-shirt, il fait jour (décalage horaire oblige). D'entrée de jeu, le syndicaliste est mis en situation d'infériorité. Il est loin, il est dehors, il fait beau... La mise en scène génère l'idée que le Monsieur en plateau est sérieux et responsable, tandis que le syndicaliste dans son espace vert est un moins que rien. Certes, on ne lui coupe jamais le micro, mais on l'interrompt par deux fois, ce qui est une technique habituelle pour empêcher quelqu'un de développer son propos. Ce que le journaliste réussit parfaitement. Il génère de la frustration, de l'énervement (légitimes) chez le syndicaliste, tandis que l'homme politique en plateau et le journaliste complice, restent calmes, souriants, responsables.

Cette mise en scène pourrait (et encore) se comprendre sur le plateau de TF1 ou de BFMTV, mais elle a lieu sur France 2, sur le service public, pour lesquels les citoyens payent une redevance télévisuelle. Et qu'y voient-ils ? Un syndicaliste, représentant des travailleurs, méprisé, ridiculisé par des journalistes qui se considèrent d'un autre monde. Heureusement le journal l'Humanité a donné au syndicaliste une tribune pour qu'il puisse s'exprimer complètement.

Il est absolument scandaleux que le service public persiste à se comporter de la sorte. En méprisant un syndicaliste, par ailleurs citoyen, c'est l'ensemble de la population que France 2 a dénigré !

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